A ce jour, en avril 2020, il n’y avait pas de thérapies spécifiques approuvées pour le traitement de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) causée par le SARS-CoV-2. L’une des stratégies est de réutiliser des médicaments déjà approuvés et connus pour agir à différents stades de l’infection virale et de la réponse immunitaire de l’hôte. L’utilisation de ces médicaments permet d’accélérer le plan de traitement dans une situation de pandémie mondiale grave.

 

Les auteurs de cette revue, ont réalisé un travail de relecture, d’identification, de tri et de critique de la littérature existante sur les stratégies thérapeutiques du SARS-CoV-2.

Le SARS-CoV-2 est un virus enveloppé à ARN simple brin, qui cible les cellules par sa protéine S de surface reconnaissant le récepteur ACE2 humain (enzyme de conversion à l’angiotensine 2). Ensuite la protéine TMPRSS2 de l’hôte humain facilite l’entrée virale grâce à un processus protéolytique. Une fois le virus entré dans la cellule, les polyprotéines virales sont synthétisées, la transcription de l’ARN viral par l’ARN polymérase ARN dépendante s’opère, et un nouveau virion est créé pour infecter d’autres cellules humaines. Les stratégies thérapeutiques envisagées à ce jour visent à cibler des étapes de l’infection cellulaire, ou bien à limiter la réponse immunitaire délétère de l’hôte (orage cytokinique).

Parmi les études cliniques en cours, certaines s’intéressent à la chloroquine et l’hydroxychloroquine. Ces molécules, initialement utilisées dans le traitement antipaludique, sont capables de bloquer l’entrée virale au niveau cellulaire en inhibant la glycosylation des récepteurs de l’hôte, le processus protéolytique et l’acidification de l’endosome cellulaire. Ces molécules peuvent également atténuer la réponse immunitaire en diminuant la production de cytokines inflammatoires. Malgré un effet anti-viral observé in vitro, aucune étude en double-aveugle bien menée n’a encore prouvé l’efficacité de l’hydroxychloroquine. De plus, ces agents peuvent entraîner des effets indésirables rares mais graves : allongement du QT, hypoglycémie, effets neuropsychiatriques et rétinopathies ; d’autant plus dans le contexte d’une infection Covid-19 où les posologies sont élevées.

Le lopinavir/ritonavir est une combinaison thérapeutique d’agents anti-VIH. Ils inhibent la protéase 3-chymotrypsin-like. A ce jour, il n’y a toujours pas de données in vitro démontrant l’efficacité de cette combinaison sur le SARS-CoV-2 ; et une étude ouverte réalisée sur 199 patients (Cao et al., 2020) n’a pas montré d’effets bénéfiques. D’après les auteurs de la revue, ceci pourrait être expliqué par une administration trop tardive du traitement.

Dans les trairements anti-viraux, les auteurs citent aussi :

– la Ribavirine, un analogue de la guanine, qui inhibe la polymérase virale ARN-dépendante. Maisc cell-ci présente des effets indésirables importants tels que des anémies hémolytiques (60% des patients) et un effet tératogène, contraignant son utilisation.

– l’Oseltamivir, un inhibiteur de la neuraminidase, utilisé pour traiter la grippe, mais qui n’a pas d’effet observé in vitro contre le SARS-CoV-2 à ce jour le 13 avril 2020.

– l’Umifenovir qui cible l’interaction protéine S virale / ACE2 cellulaire.

L’interféron alpha et l’interferon-bêta sont également utilisés, grâce à leur effet immmunomodulateur, en combinaison d’autres agents : ribavirine ou lopinavir/ritonavir. Cependant les auteurs de la revue indiquent que leur utilisation courante dans le traitement anti-SARS-CoV2 ne peut être recommandée, étant donné l’absence d’étude clinique concluante à ce jour.

Toutefois, un agent anti-infectieux se distingue des autres dans cette revue : le Remdesivir (GS-5734). Cette molécule est une prodrogue monophosphatée qui est métabolisée en analogue triphosphate de la C-adénosine. C’est un agent prometteur contre le Covid-19, du fait de son large spectre d’activité et d’une activité in vitro démontrée contre plusieurs nCov y compris le SARS-CoV-2. La sûreté et la pharmacocinétique du Remdesivir ont déjà été évaluées en études cliniques de phase 1 (bonne tolérance IV 3mg à 225mg, sans toxicité rénale ni hépatique). Des case-reports ont décrit un succès thérapeutique suite à l’utilisation de cette molécule. Une étude clinique du National Institutes of Health, randomisée, en double-aveugle, contrôlée vs placebo, est en cours afin de prouver l’efficacité du Remdesivir par rapport aux soins de soutien. L’utilisation de cet agent comme  traitement du COVID-19 peut être prise en considération dans le cadre d’un essai clinique.

Enfin, les auteurs décrivent les thérapeutiques adjuvantes étudiées :

  • Les corticostéroïdes : qui diminuent la réponse inflammatoire de l’hôte au niveau pulmonaire. Cependant, ceux-ci peuvent induire une diminution de la clairance virale et un risque de seconde infection. Le manque de preuves bénéfiques empêche l’utilisation des corticostéroïdes en routine chez les patients COVID-19.
  • Les anti-cytokines tels que le Tocilizumab, un anticorps monoclonal anti-IL-6 : son utilisation permettrait de diminuer l’orage cytokinique observé la 2e semaine d’infection par le SARS-CoV-2 et responsable de dommages multi-organes. Le Tocilizumab a été utilisé dans certains cas d’infections sévères au COVID-19, et a montré un succès thérapeutique.

Les plasmas de patients guéris sont également une source de recherche, puisque ceux-ci contiennent potentiellement des immunoglobulines humaines dirigées contre le SARS-CoV-2. Le 24 mars 2020, la FDA a autorisé le screening des plasmas de donneurs COVID-19 guéris afin d’identifier de nouveaux traitements, et de faciliter le développement de vaccin anti-SARS-CoV-2.

A ce jour, les auteurs indiquent, en accord avec l’organisation mondiale de la santé, qu’il n’y a pas de preuves évidentes suffisantes pour recommander l’utilisation d’un traitement spécifique anti-COVID-19 chez les patients infectés par le SARS-CoV-2. Le traitement symptomatique doit être priorisé, avec une identification et un traitement précoce des coïnfections bactériennes et des sepsis. Les traitements anti-COVID-19 doivent être utilisés seulement dans le cadre d’études randomisées et contrôlées.

(1) Sanders JM, Monogue ML, Jodlowski TZ, Cutrell JB. Pharmacologic Treatments for Coronavirus Disease 2019 (COVID-19): A Review. JAMA. Published online April 13, 2020. doi:10.1001/jama.2020.6019