Les prévisions actuelles suggèrent que la population mondiale de plus de 60 ans va dépasser les deux milliards de personnes d’ici 2050. Le « vieillissement réussi » est donc actuellement un enjeu majeur de santé publique. L’âge chronologique n’est pas un moyen efficace pour mesurer le vieillissement puisqu’il diffère de l’âge biologique. De plus, la contribution de l’hérédité dans le mécanisme de vieillissement est limitée et ne représente que 20-30% de variabilité sur la durée de vie. Cependant au niveau moléculaire des marqueurs de vieillissement ont souvent été étudiés. Khan SS et al se sont intéressés à décrire les mécanismes du vieillissement actuellement connus, en portant une attention particulière aux manifestations moléculaires et cellulaires.

Pour cela les auteurs ont fait une revue des publications écrites en anglais et sorties entre 1980 et 2016. Ils ont également discuté le vieillissement humain « normal » des organes afin de pouvoir suggérer des méthodes et un score composite permettant de mesurer le vieillissement biologique humain.

Les auteurs de cette revue suggèrent donc d’utiliser les marqueurs du vieillissement suivant :

  • L’attrition des télomères : en mesurant la longueur des télomères dérivés des leucocytes sanguins ; et les protéines induites par des dysfonctionnements télomériques.
  • Les altérations épigénétiques : en évaluant l’acétylation de H4K16, H4K20 et H3 K4, K9, et la méthylation de K27, des modèles de méthylation de l’ADN, des modèles d’ARN non codants (miRNA, profils d’expression).
  • La perte de l’homéostasie protéique : ils suggèrent l’approche protéomique et la mesure de l’ADDL (Aβ-derived diffusible ligand)
  • La détection dérégulée des nutriments : par approche métabolomique et mesure de l’IGF-1 (insulin-like growth factor 1)
  • Le dysfonctionnement mitochondrial : en évaluant le nombre de mitochondries, le nombre de copie d’ADN mitochondrial, et les niveaux de protéines mitochondriales
  • La sénescence cellulaire et cytokines pro-inflammatoires : par mesure de PAI-1, IGFBP-3, IL-6, TGF-β, IL-1β, TNF-α, p16INK4a et p19ARF, p53, p21, β-galactosidase associée à la sénescence (SABG), ainsi que des facteurs circulants GDF-11, CCL11, Klotho, β2 microglobuline.

Outre ces marqueurs biologiques, les auteurs suggèrent d’utiliser également des marqueurs physiologiques précis. Ces marqueurs permettent d’évaluer le vieillissement de chaque organe de manière spécifique. Les mesures retenues par les auteurs sont les suivantes :

  • Système cardiovasculaire : mesures du pouls brachial, masse ventriculaire gauche, épaisseur de la paroi, paramètres échocardiographiques, vitesse des ondes pulsatiles, index d’augmentation, calcification valvulaire aortique, et le rythme cardiaque.
  • Système respiratoire : capacité d’aérobie maximale, spirométrie (rapport VEMS, CVF, VEMS / CVF), volumes pulmonaires, DLCO, scan ventilation-perfusion.
  • Système rénal : cystatine C, clairance de la créatinine.
  • Système immunitaire : profil de risque immunitaire (avec l’évaluation de la prolifération lymphocytaire) ; réponse aux mitogènes (nombre de cellules B, ratio lymphocytes T CD4/CD8, statut CMV.
  • Moelle osseuse : mesure de l’hémoglobine
  • Système neurocognitif : MMSE (Mini-mental status examination), batterie cognitive, IRM fonctionnelle.
  • Systèmes digestif et hépatique : facteurs de coagulation vitamine-K dépendants
  • Système endocrinien : tests biochimiques thyroïdiens, glycémie à jeun, insuline, niveaux circulants d’œstrogènes et de testostérone.
  • Système musculosquelettique : force de préhension, test d’équilibre, test de coordination motrice, échelle fonctionnement physique SF-36
  • Système tégumentaire : élasticité de la peau, épaisseur, rides
  • Système sensoriel : acuité visuelle, test auditif, lésions micro-vasculaires rétiniennes.

A l’aide de tous ces marqueurs moléculaires et physiologiques, les auteurs proposent un « composite biological age score » (BAS) permettant d’évaluer l’âge biologique de chaque personne. Afin de valider ce BAS, il faudra par la suite réaliser plusieurs types d’études (cohortes observationnelles prospectives, études cas-témoins, études basées sur la famille…) et utiliser des outils mathématiques (régression linéaire multiple par exemple) et statistiques pertinents (par exemple : analyse en composantes principales pour déterminer le nombre de biomarqueurs à inclure).

Khan, S.S., Singer, B.D., and Vaughan, D.E. (2017). Molecular and physiological manifestations and measurement of aging in humans. Aging Cell 16, 624–633.