Dans les pays développés, l’espérance de vie a doublé ces 200 dernières années grâce aux améliorations du style de vie, aux meilleures habitudes alimentaires, et aux progrès médicaux. En parallèle de ces durées de vie allongées, la santé spécifique à chaque âge de la vie s’est également améliorée avec une augmentation des fonctions physiques et cognitives durant le vieillissement. Cependant, ceci n’est pas observé pour la durée de vie en bonne santé. En effet, l’augmentation de la durée de l’âge adulte augmente le risque de développer une maladie chronique telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires et les maladies neurodégénératives.

Les auteurs de cette revue rappellent que le processus de vieillissement se manifeste en premier temps de façon subclinique : avec une perte du tissu osseux, du tissu cartilagineux et de la masse musculaire, ainsi qu’un gain du tissu adipeux abdominal. Sont retrouvés également des modifications systémiques et des modifications du système endocrinien à l’origine d’une altération du niveau hormonal, de la pression et des lipides. Lorsque ces marqueurs sont élevés chez les patients, leur espérance de vie semble diminuée. Il en est de même lors d’une accumulation de comorbidités. L’âge avancé est récemment accompagné de fragilité, déficits fonctionnels et psychosociaux augmentant le risque de chutes, fractures, hospitalisations, défaillance d’organe et décès.

La question, que les auteurs se sont posée, est donc la suivante : Quels paramètres permettraient d’expliquer ce vieillissement et comment y faire face ?

Tout d’abord, ils abordent la question de possibles « modifications génétiques ». En effet, il a été montré dans des études qu’un locus génétique situé sur le gène de l’apolipoprotéine E pourrait avoir une potentielle implication dans la longévité. Celui-ci est également suggéré être, dans d’autres études, associé à une susceptibilité aux maladies cardiovasculaires et à la maladie d’Alzheimer, fréquemment retrouvées durant le vieillissement. D’autres études génétiques ont également pu montrer que le locus FOXO3A pourrait être impliqué dans le processus de vieillissement « en bonne santé ». Cependant, les auteurs concluent que l’expansion de l’espérance de vie observée ces dernières années est trop rapide pour être expliquée par des modifications génétiques.

L’environnement et le style de vie des personnes (régime alimentaire, éducation, activité physique…) semblent donc être des facteurs majeurs du vieillissement. En effet, les auteurs rappellent que les régimes alimentaires spécifiques, la restriction calorique, l’exercice physique, l’entrainement cognitif, le suivi du risque vasculaire, et la supplémentation en vitamine D ont tous montrés avoir un effet bénéfique sur le vieillissement. Cependant cette réponse est variable en fonction des individus, et ces interventions doivent être réalisées de manière personnalisée, afin de diminuer les problèmes liés au vieillissement. Une autre approche consiste à utiliser des médicaments, notamment pour prévenir les risques cardiovasculaires en diminuant l’hypertension et le cholestérol chez les personnes à risques. Cependant, ces interventions pharmaceutiques doivent également être adaptées selon l’âge, la fragilité du patient et ses comorbidités.

Un autres moyen d’étude du vieillissement est évoqué par les auteurs : les modèles animaux. Ceux-ci permettent d’étudier le mécanisme général du vieillissement mais également celui-ci au niveau des différents tissus, en fonction des âges de la vie, et sa potentielle contribution à d’autres pathologies. Ces modèles présentent également des limites car les conditions de laboratoires protègent les animaux des maladies infectieuses, leur fournissent une qualité alimentaire, et également une restriction de l’exercice et des challenges physiques ; qui sont des facteurs influençant le processus de vieillissement. Malgré cela, ces études animales ont pu montrer un rôle important de la réponse environnementale, et notamment du régime alimentaire dans la durée de vie des animaux ; ce qui est difficile à évaluer chez l’humain.

D’autres facteurs soulignent le rôle important de l’environnement sur le vieillissement en bonne santé. En effet, le microbiote intestinal, ou microbiome, dont la composition varie en fonction des individus, est sensible aux facteurs environnementaux comme le régime alimentaire et la médication du patient.

Les différentes études s’intéressant au vieillissement ont permis d’établir des biomarqueurs de l’âge physiologique et biologique individuel. Comme le soulignent les auteurs, ces biomarqueurs doivent répondre aux critères de la AFAR (American Federation for Aging Research). Ils doivent mieux marquer l’état individuel du vieillissement et mieux prédire la mortalité que l’âge chronologique, monitorer le vieillissement et non les effets de la maladie; permettre le suivi longitudinal des animaux et des humains (par exemple par des tests sanguins ou l’imagerie). Des multi-marqueurs ont été développés sur ces critères. Par exemple, la « fragilité » est généralement décrite par une activité physique basse ; une faiblesse musculaire, des performances ralenties, une fatigabilité, et une perte de poids involontaire (fraitly index, et frailty phenotype algorithmes). Plus récemment, sont apparus des marqueurs de l’âge biologique (raccourcissement des télomères, horloge épigénétique, rythme) reflétant différents aspects du déclin physiologique.

Pour faire face à ce challenge du vieillissement, les auteurs suggèrent que les efforts de santé publique globaux doivent se focaliser sur la réduction du risque d’obésité, du tabac, de l’alcool, de l’inactivité physique, de l’hypertension et du taux de cholestérol, afin de diminuer le diabète, les maladies cardiovasculaires et le cancer. Une autre stratégie envisageable pourrait être la thérapie cellulaire car elle permet l’association de la génétique, du moléculaire, et d’autres caractéristiques phénotypiques du vieillissement. L’association de l’expression génique, protéique et métabolique avec les maladies liées à l’âge, pourrait permettre d’inclure tous les caractères du vieillissement : instabilité génomique sénescence cellulaire, perte de la protéostasie, dysfonction mitochondriale, communication intercellulaire altérée, détection dérégulée des nutriments, épuisement des cellules souches, altérations épigénétiques, attrition des télomères.

Pour conclure, les auteurs rappellent que l’expansion de la proportion de personnes âgées en mauvaise santé, dans de nombreuses populations, est un challenge global de société. Mais les mesures de santé publique peuvent être efficaces pour limiter le risque de cancer, maladies métaboliques et cardiovasculaires, et devraient être utilisées en mesures primaires. Cependant, l’efficacité de ces mesures dépend de la volonté de chaque individu et de leur compliance.

 Partridge, L., Deelen, J., and Slagboom, P.E. (2018). Facing up to the global challenges of ageing. Nature 561, 45–56.