Jusque dans les années 70 du siècle dernier, la Maladie d’Alzheimer resta méconnue, restreinte dans le champ « confidentiel » des démences préséniles car la maladie décrite par Alois Alzheimer quelques dizaines d’années plus tôt débutait dans la cinquantaine… Il fallut attendre 1976 pour qu’un neurologue américain, Robert Katzman, publia un éditorial historique intitulé « the prevalence and malignancy of Alzheimer’s Disease : a major Killer » où il la désigna comme la cause la plus fréquente des troubles neurocognitifs et la quatrième cause de décès aux Etats-Unis après les maladies cardiaques, le cancer et les accidents vasculaires cérébraux. La MA changea de statut et d’une maladie rare se transforma en un problème majeur de santé publique. Quelques années plus tard, dans les années 90, la cascade amyloïde s’imposait comme le pilier principal de la physiopathologie, l’allèle ε4 de l’apoliprotéine E se révéla être un facteur de risque génétique essentiel de la MA à révélation tardive et les premiers traitements médicamenteux symptomatiques pro-cholinergiques furent mis à disposition des patients dans le soin courant. Une multitude de travaux scientifiques furent initiés (170 000 articles scientifiques répertoriés par PUB-MED entre 1990 et 2020) et ce développement exponentiel de la recherche généra une multitude de nouvelles connaissances sur la MA et les maladies apparentées tant au plan fondamental que clinique. Pourtant, durant ces trente années qui ont constitué pour certains d’entre nous l’essentiel de notre vie professionnelle, l’absence de progrès significatif dans les traitements médicamenteux de cette maladie – dont les mécanismes étaient pourtant de mieux en mieux individualisés – fit le lit de débats, de questionnements voire de doutes, et même d’une certaine suspicion : cette perte cognitive ne serait-elle pas que le déclin irrémédiablement et intimement lié au vieillissement ; s’agit-il réellement d’une « vraie » maladie ou n’est-elle que le fait d’une fatalité, voire un mythe, ou pire un leurre… ? L’actualité récente, notamment avec les résultats positifs d’essais cliniques menés avec des anticorps anti-amyloïde et la possibilité éventuelle de disposer de traitements modificateurs de la pathologie dans le soin courant n’est pas seulement une potentielle innovation thérapeutique de premier plan. Sans remettre en cause les approches non médicamenteuses et sans nier la complexité des processus physiopathologiques sous-jacents, elle légitime le statut de la MA et des maladies apparentées en tant que « vraies » pathologies au même titre que le cancer. Durant cette édition 2023 des USPALZ, à travers les différentes sessions, symposiums et communications, chacun pourra ressentir de manière tangible l’effervescence croissante qui caractérise le domaine et, de manière imminente, des évolutions conceptuelles mais aussi concrètes dans la prévention, la prise en charge des symptômes cognitifs et comportementaux de la maladie et dans son traitement de fond. Le début d’une nouvelle ère…
Excellent congrès à toutes et tous.
Professeur Mathieu Ceccaldi
Chef du Service de Neurologie et de Neuropsychologie
CHU de la Timone
Marseille